Maitresse, elle m’a …

Publié le : 15 novembre 20175 mins de lecture

Souvenir d’enfance.
Je ne sais si l’élection de Barak Obama est pour quelque chose dans la remontée de ce souvenir là.
Je crois bien que non, que je l’ai toujours eu en tête et à mon sens les autres protagonistes qui l’ont vécu aussi.
Un de ces souvenirs fondateurs qui me fait encore réfléchir sur l’amitié, la fidélité et la culpabilité près de 30 ans après.
Bref.
C’était la récréation et nous étions en CM2.
Il faisait beau, ce devait être la rentrée ou alors fin de l’année scolaire – peu importe – sauf que le temps permettait de jouer à l’élastique et que j’étais concentrée sur la réussite de mes sauts.
A coté de moi, se trouvaient Ursule, Florianne, Benjamin et pleins d’autres que j’ai oublié.
Du plus loin que je me souvienne, Ursule est ma première vraie copine. C’est à dire que depuis le CP et jusqu’au lycée, Ursule et moi on ne s’est pas quittées.
Ou presque, bien sûr il y a eu des histoires, on se fâchait, elle n’était plus ma copine et puis de nouveau elle l’était, on s’est fait des infidélités mais quand même, encore aujourd’hui, on arrive encore à se trouver un ptit moment à partager une à deux fois par an.
Il faut vous dire aussi qu’Ursule était très susceptible – même plus qu’un chef de clan corse – et souvent contrariée. Plus grande que moi – mais ça pas dur – elle était (elle l’est toujours) gracieuse et athlétique – et possédait la plus belle chevelure de l’école.
D’un noir de jais, douce et épaisse, frisée comme un mouton et longue comme une crinière.
Ursule est à moitié-antillaise.
De son coté Florianne était la fille d’une maitresse de CP, tout comme moi. Nos mamans avaient ‘leurs classes’ côte à côte et étaient les meilleures amies du monde.
C’est dire si nous étions amenées à nous voir souvent en dehors de la classe.
Florianne avait un an d’avance et était très bonne élève.
Et ce jour là, sans que je l’ai entendu venir, il y a eu une altercation. En arrêtant de jouer, j’ai vu Florianne et Ursule qui se tenaient à coté de la maitresse.
Ursule avait l’oeil noir et disait que Florianne l’avait traitée de négresse. Florianne protestait que non, elle avait seulement dit tigresse.
Comme j’étais à coté, la maitresse me demanda ce qu’il s’était passé.
Je n’en savais rien. Je n’avais pas entendu comment Florianne avait traité Ursule. je me sentais nulle d’avoir été à coté et de ne rien avoir vu, rien entendu.
Je me sentais coupable de ne pas pouvoir les départager. de ne pas être juge de paix. De ne pas connaitre la vérité. Je n’ai pas menti, j’ai dit que je ne savais pas.
Dans le doute, la maitresse choisit une punition de principe : Florianne a dû recopier plusieurs fois une page entière de la Case de l’oncle Tom. On ne plaisantait pas avec le racisme.
A la réunion des maitresses qui avait lieu le soir même, sa maman expliqua la retenue de sa fille et indiqua qu’elle continuait à dire qu’elle n’avait pas dit ça, et qu’elle trouvait cette punition injuste.
Je me suis de nouveau sentie coupable de n’avoir pû intervenir. Au plus profond de moi, je trouvais bizarre que Florianne ait pû être insultante.
Après cela, et même si nous étions toutes les trois au même collège, puis au même lycée, Florianne et Ursule n’ont jamais pû être amies. On a continué côte à côte sans plus se parler.
Et puis, il y a quelques années, j’ai croisé Benjamin au coin d’une rue.
On s’est reconnu, on a pris un café, on a échangé des histoires de copains et de récrée. Lui aussi se souvenait très bien de cette aventure. Et il m’a dit ‘tu sais je ne parierais pas qu’elle n’ait rien dit, elle avait vraiment un drôle d’air, qui n’était pas le sien, vraiment pas’…

On en a conclu que jusqu’à la fin seules les deux sauraient.
Mais ça ne m’a pas soulagé.

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